Utopiste et bibliographe, il voit
le jour à Bruxelles le 23 août 1868 et écrit son premier
ouvrage, “L'Ile du Levant” à l'âge de quatorze ans. Proclamé
Docteur en droit le 15 juillet 1890, il fait son stage chez Edmond Picard
(1836-1924), juriste renommé, qui sera, quelques années plus
tard, l'un des premiers sénateurs socialistes de Belgique.
En 1891, Otlet publie avec Pierre Blanchemerle, Joseph Cassiers et Max Hallet
“Le Sommaire périodique des revues de droit”, tables mensuelles de
tous les articles juridiques publiés dans les périodiques belges.
C'est de cette époque que date sa passion pour la bibliographie; l'année
suivante, il consacre un essai à la théorie bibliographique.
A partir de 1895, il consacre le plus clair de son énergie au Mundaneum
et aux nombreuses oeuvres qu’il a créée autour de ce projet
central. Il passe la Grande Guerre en Suisse et en France.
Pacifiste dans l'âme, il se met à travailler à un projet
de Société des Nations qui garantirait la concorde par l'arbitrage
des conflits. Dès octobre 1914, il publie son "Traité de paix
générale”, Charte mondiale déclarant les droits de l'humanité
et organisant la confédération des Etats.. En 1917, la construction
de la Société des Nations décrit les modalités
pratiques de l'établissement de la SDN.
Durant l'entre-deux-guerres, il poursuit son projet de construction d'une
Cité mondiale et tente de garder le Mundaneum en activité malgré
de nombreuses mésaventures. Les difficultés, l'incompréhension
générale dont ses projets font l'objet, assombrissent ses dernières
années. En 1934, il publie son fameux “Traité de documentation”,
véritable testament philosophique. Il meurt le 10 décembre
1944.
Quelques années avant la Première
Guerre mondiale, en Europe, une élite cultivée d’intellectuels
et d’industriels, imprégnée de la pensée positiviste,
croit fermement que l’ère de la paix universelle est proche. La Belgique
est alors le foyer de la modernité.
Paul Otlet est convaincu que le savoir est le terreau de la paix universelle.
En favorisant la communication des savoirs et des cultures, il espère
permettre aux hommes de mieux se connaître, de ne plus avoir peur les
uns des autres et donc de vivre en paix. Il rêve de diffuser la culture
sur tous les terrains. Il se passionne aussi pour la bibliographie.
Selon Otlet, « le Mundaneum, sera un point de rencontre, le centre
de coordination de l'organisation internationale de l'Intelligence. »
C'est en 1919 que s'ouvre au Palais du cinquantenaire, sous le nom de Palais
Mondial-Mundaneum, un temple dédié au savoir et à la
fraternité universelle fruit du travail incessant que mènent
depuis près de 25 ans Paul Otlet et Henri La Fontaine.
« Il s'agit, écrit Otlet, de réaliser au Centre international,
d'une manière permanente et scientifique, ce que les gouvernements
ont déjà réalisé d'une manière éphémère
dans les grandes expositions universelles. Dans leur ensemble, les salles
doivent former un vaste musée géographique et ethnographique,
un musée de la Terre et des Hommes. (...) C'est à la fois un
musée universel de la technique, un musée de l'enseignement
et un musée économique et social »
On a souvent écrit que le Mundaneum constituait une sorte d'Internet
de papier. En effet, Otlet est arrivé à construire un
immense instrument de recherche hypertexte manuel et multimédia : il
consignait sur des fiches de grandeur standardisée des informations
concernant des ouvrages; ces informations peuvent être assimilées
aux noeuds de l'hypertexte. Les liens étaient assurés par la
Classification Décimale Universelle.
William Boyd Rayward montre comment le RBU (Répertoire Bibliographique
Universel) fonctionnait comme un immense réseau de connaissances et
d'information.
Décrivant le poste de travail moderne, Otlet parle de "(...) complexe
de machines associées qui réalisent simultanément ou
à la suite les opérations suivantes:
- transformation du son en écriture;
- multiplication de cette écriture tel nombre de fois qu'il est
utile;
- établissement des documents de manière que chaque donnée
ait son individualité propre et dans ses relations avec celles de
tout l'ensemble, qu'elle y soit rappelée là où il est
nécessaire;
- index de classement attaché à chaque donnée: perforation
du document en corrélation avec ces indices;
- classement automatique de ces documents et mise en place dans les classeurs;
- récupération automatique des documents à consulter
et présentation, soit sous les yeux ou sous la partie d'une machine
ayant à y faire des inscriptions additionnelles;
- manipulation mécanique à volonté de toutes les
données enregistrées pour obtenir de nouvelles combinaisons
de faits, de nouveaux rapports d'idées, de nouvelles opérations
à l'aide des chiffres.
La machinerie qui réaliserait ces sept desiderata serait un véritable
cerveau mécanique et collectif." Il y a là sans aucun doute
une prescience de l'ordinateur qui ne sera développé qu'après
la guerre.
En 1934, dans son traité de documentation, Otlet présente
la bibliothèque virtuelle: ce sera le livre téléphoné.
On est frappé par l'analogie avec nos modernes postes internet. Il
a donc très tôt l'intuition de ce qui se concrétisera
à la fin du XXème siècle sous la forme du réseau
des réseaux. Il s'agit toutefois d'anticipation, de mise en perspective
des derniers développements de la technique d'alors.